Le 9 novembre 2020, Valeurs actuelles a interviewé Charles Beigbeder au sujet des répercussions de la crise du Covid-19 sur l’économie française et des moyens de s’en sortir.
Valeurs actuelles. Comment jugez-vous l’action du gouvernement face à la crise ?
Charles Beigbeder. L’Etat français repose sur une administration centrale de très grande qualité ; elle donne une impression d’efficacité et de solidité, avec parfois une certaine arrogance de la part de certains hauts fonctionnaires technocrates. Le problème, c’est que l’intendance ne suit pas, faute de moyens. Mais aussi en raison de la complexité très forte du monde moderne et d’un empilement d’échelons hiérarchiques qui vont du ministère jusqu’à la direction générale de l’administration centrale sous-jacente, la préfecture et même en deçà. Une organisation trop centralisée devient toutefois un défaut face à un problème comme la Covid-19 où les exécutifs des grands pays naviguent à vue.
La crise du Covid-19 n’a t-elle pas justement montré une plus grande réactivité du pouvoir local ?
Lorsqu’il s’est agi de gérer la crise sanitaire, le local a été beaucoup plus efficace : tout ne peut pas se décider depuis la rue de Varenne (Matignon, NDLR) ou de l’avenue Duquesne (ministère de la Santé – NDLR). Dans un grand pays comme la France, il est aberrant de vouloir tout décider d’un bureau à Paris ; il faut faire confiance. L’Etat devrait reprendre à son compte un vieux principe qui remonte au premier siècle et à l’invention de la paroisse par l’Eglise, à savoir la subsidiarité. C’est une méthode d’organisation selon laquelle ce qui peut se faire au niveau n ne doit surtout pas se faire au niveau n+1, et cela vaut pour une entreprise, une ONG, une collectivité locale et bien sûr l’Etat.
L’Etat devait-il distinguer les biens essentiels des non essentiels dans le cadre du reconfinement ? En fait, est ce plus important de boire pour oublier que de lire pour rêver ?
Comment en effet distinguer ce qui est essentiel de ce qui ne l’est pas ? Il n’existe pas de définition à proprement parler sauf peut-être une définition technique utilisée dans le monde de l’analyse des risques. Pour donner la liste des produits essentiels, le gouvernement a visiblement improvisé. Finalement, la notion d’essentiel repose sur le sens de nos vies : doit-on avoir une vision purement charnelle dans laquelle seul compte le corps ou une vision dirigée par notre psyché ? Est-ce que ce que l’on décide pour une métropole ou une grande ville a besoin à tout prix de s’appliquer à un petit village perdu dans des zones montagneuses ? Ses habitants risquent d’être contraints d’aller sur Amazon, ce qui est aberrant, sachant que dans les boutiques du village, il n’y a en général jamais plus de 10 personnes par jour ; la probabilité de transmission du virus est très faible.
La suite de l’entretien à lire sur le site de Valeurs actuelles.